Structuré en trente textes à la ponctuation chantante, ramassés sur une phrase, chacun pousse à l’envolée lyrique; d’un concentré de tensions et de crispassions, chaque texte à la lecture vole et nous fait finalement largement planer. Marrakech, désamour. est l'épisode n°1 des Chroniques de Mapuetos. Ce livre, construit sur trente très longues phrases, est une forme d'exorcisme de l'écriture, une rupture avec une ville (ici c'est Marrakech, mais cela aurait pu être Glasgow).
Je me réveillerai à l’aube. Mon visage sera éclairci par un nouveau soleil fait de nombreux rayons. De très nombreux rayons. L’idée est cohérente. Je vais appeler son père et toute sa famille et raconter mon histoire. Sans les détails provocants bien sûr. Je vais leur raconter pourquoi je suis arrivé dans ce village. Quelle a été mon idée ? Et ma pensée. Mes besoins vitaux à ce moment-là. C’est ce que je ressens le mieux. C’est lui qui découvrira le message. On réunit tout le monde. Je raconte. A la fin de cette histoire trop peu romancée. Un mot. Rien.
Un flux poétique continu, contenu en trente phrases d’une page chacune, sans autre ponctuation que le point final. Au-delà de la relation à la ville même, une ville débordante de contradictions, de séductions, au-delà du portrait en plein de Marrakech et en creux de Marceau Ivréa, c’est une mise à nu du sentiment amoureux qui nous est donnée à lire. Un discours amoureux. Car comme dans le célèbre livre de Roland Barthes, c’est un amoureux qui parle, écrit. L’aimé n’existe qu’à travers les mots de celui qui les énonce. Il n’est qu’un palimpseste sur lequel les blessures (les névroses) cherchent à s’agripper, sur lequel inscrire une histoire. D’amour. Et si tout ceci n’était que le fantasme d’un prisonnier en manque d’amour ? D’un prisonnier de lui-même comme nous les sommes tous ?
Michel Zumkir,
Promotion des Lettres Fédération
Wallonie-Bruxelles, Les Carnets et les Instants
– juin 2014
En lisant Patrick Lowie, on est réellement déstabilisé car on a l’impression que l’entité dont le narrateur se sépare n’a rien d’humain, même si elle est ancrée en lui : L’amour est une larme qui glisse sur la paroi de la mort comme cette goutte de désir qui coule sur l’arme de ton corps et donc je viens de là où je suis et donc ta peau douce et donc toi extraterrestre, le tronc avec à la place de la tête un immense sourire. Le périple du narrateur est une errance, une sombre odyssée, une transition vers le néant. C’est un voyage dont on ne revient pas. La volonté de se désenvoûter n’aboutit pas vers le retour à la normale. On reste prisonnier de ce monde opaque que l’on s’est créé.
Jean Zaganiaris
Enseignant chercheur CRESC/EGE Rabat
Lundi 22 Décembre 2014, Libération
Maroc